Fraude et responsabilité bancaire

La responsabilité de votre banque dans le fonctionnement de votre compte : le cas des débits et retraits frauduleux!

Par Philippe Fournier le 26 novembre 2023

Peu à peu, les obligations de la banque dans la tenue des comptes bancaires sont précisées par la jurisprudence. La banque n’a pas à s’immiscer dans la manière dont vous gérez vos comptes mais elle doit vous alerter si des opérations lui semblent suspectes et anormales. En général, cela peut se traduire par un appel de votre conseiller pour vérifier que vous êtes bien à l’origine d’une opération sur votre compte.

La banque a ainsi un devoir de vigilance dans le cas où vous constatez des débits ou des retraits dont vous n’êtes pas l’origine et qui ont été effectués directement à partir de votre compte bancaire ou par l’utilisation frauduleuse par un tiers de votre carte bancaire.

Dans ces hypothèses, vous devez faire opposition immédiatement et porter plainte!

En cas d’utilisation frauduleuse par un tiers de votre carte bancaire, la banque a malgré tout un devoir de vigilance (par exemple, si les sommes débitées ont été effectuées dans différents pays étrangers). Si tel est le cas, la banque peut être susceptible de devoir vous rembourser les sommes litigieuses au titre du manquement à son devoir de vigilance.

Ce devoir persiste même en cas de vol du code confidentiel de votre carte bancaire sauf si vous avez été négligent dans la conservation de celui-ci en le communiquant à votre entourage par exemple. Cependant, la banque ne peut s’exonérer de sa responsabilité au titre de remboursement des sommes frauduleusement débitées qu’en rapportant la preuve de votre négligence caractérisée.

“en cas de perte ou vol d’une carte bancaire, il appartient à l’émetteur de la carte [la banque] qui se prévaut d’une faute lourde de son titulaire [le client], au sens de l’article L. 132-3 du code monétaire et financier, d’en rapporter la preuve ; que la circonstance que la carte ait été utilisée par un tiers avec composition du code confidentiel est, à elle seule, insusceptible de constituer la preuve d’une telle faute ;” Cour de cassation, Chambre commerciale du 2 octobre 2007, 05-19.899, Publié au bulletin.

La banque a également un devoir de vigilance en cas de d’anomalies apparentes et matérielles dans le fonctionnement de votre compte bancaire : il s’agit là des anomalies facilement détectables par toute banque diligente. A titre d’exemple, la banque doit naturellement vérifier qu’une fausse signature n’a pas été apposée sur un chèque vous appartenant ou que celui-ci n’a pas été falsifié de manière visible.

Enfin, la banque supporte un devoir de vigilance en cas d’anomalies dites “intellectuelles”. En effet, elle doit vous alerter en cas de virements suspects.

Dans une affaire récente, la Cour de cassation a confirmé la responsabilité de la banque au titre de son devoir de vigilance dans cette hypothèse. En l’occurrence, un client avait donné procuration à un membre de sa famille qui, sur une période d’une année, avait effectué de nombreux virements parfois rapprochés sur son compte personnel et portant sur des sommes élevées. Les juges considèrent que ces circonstances auraient dû attirer l’attention de la banque.

“L’arrêt retient que le fonctionnement des comptes d'[R] [L] présentait, entre le 3 novembre 2007 et le 14 octobre 2008, des opérations très nombreuses sans justifications apparentes au regard d’un fonctionnement normal, notamment des mouvements de fonds rapprochés et portant sur des sommes élevées réalisés par des virements internes depuis le compte de dépôt d'[R] [L] vers le compte de dépôt de son fils, ce qui aurait dû attirer l’attention de la banque. Il ajoute que le compte de dépôt d'[R] [L], initialement domicilié en Algérie, où il vivait, a été domicilié le 21 novembre 2007 à l’agence de la [banque] de Roubaix, ce qui aurait dû accroître la méfiance de la banque face aux anomalies apparentes et l’amener à s’interroger sur les risques de détournement, par M. [B] [L], des fonds de son mandant.

(…) De ces constatations et appréciations, la cour d’appel (…) a pu déduire que la banque avait commis une faute en n’avertissant pas [R] [L] des opérations réalisées par son fils, M. [B] [L], quand bien même celui-ci était son mandataire.” Cass Com, 5 avril 2023, N°21-22-300,

La banque est donc condamnée à rembourser les sommes litigieuses.
Dès lors, soyez vigilants et réactifs en cas d’anomalies sur votre compte bancaire et consultez votre avocat.

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