Consommation

La Responsabilité du Conseiller en Investissements Financiers!

La responsabilité de votre conseiller en investissements financiers!

Par Maître Philippe Fournier le 2 novembre 2024

A la lumière du récent scandale du groupe Emera AM Solstice à Toulouse

De nombreux investisseurs perdent les économies de leur vie du fait des conseils parfois hasardeux de professionnels de la finance ! Ces particuliers ont fait confiance à leur « homme d’affaires » et s’aperçoivent trop tard de leur erreur.

Bien sûr, la plupart des conseillers financiers sont des professionnels rigoureux et responsables mais malheureusement comme dans toute profession certains sont beaucoup scrupuleux !

Certains de ces conseillers conseillent à leurs clients investisseurs d’investir tout ou partie de leurs économies dans des sociétés, aux termes d’opérations complexes et risquées. Au bout de quelques années, lesdites sociétés connaissent des difficultés financières et disparaissent par le jeu des procédures de liquidation judiciaire en cascade.

Ces opérations sont très diverses.

Il peut s’agir d’investir sous couvert de développement durable d’investir dans des centrales photovoltaïques ou dans des stations Biogaz au moyen de véhicules juridiques parfois complexes et sans sécurité : des sociétés en participation (SEP), des sociétés en nom collectif (SNC), ou encore simplement des sociétés commerciales plus classiques (SAS). Avec l’argent des investisseurs, ces véhicules juridiques acquièrent des matériels ou toutes sortes de biens qui vont être donnés en exploitation à d’autres sociétés, moyennant un loyer ou avec la promesse d’une plus-value sur le montant investi souvent alléchante.

Malheureusement, les scandales récents, dont la presse se fait peu l’écho, montrent que les sociétés exploitantes déposent le bilan. S’ensuivent des procédures de liquidation judiciaire en cascade au détriment des investisseurs qui perdent non seulement le capital investi mais également tous les rendements promis. Plus de 900 investisseurs sont concernés à Toulouse !

Il peut également s’agir d’investissements défiscalisant en Loi Girardin dans les DROM. L’investisseur acquiert des actions d’une société qui acquiert un outil industriel ou commercial. Ces derniers disparaissent parfois sans même que l’investisseur en soit informé et lorsqu’il apprend, il est trop tard, l’argent a disparu.

Reste la responsabilité du conseiller en investissement financier (CIF) qui a conseillé ces opérations hasardeuses sans tenir compte de ce que demandait réellement l’investisseur en termes financiers…

Le CIF est pourtant une profession strictement réglementée par le Code Monétaire et Financier et placée sous le contrôle de l’Autorité des Marchés Financiers.

Le CIF doit notamment respecter les prescriptions de l’article L541-8-1 de ce Code :

« Les conseillers en investissements financiers doivent :

1° Agir d’une manière honnête, loyale et professionnelle, servant au mieux les intérêts des clients;

2° Exercer leur activité, dans les limites autorisées par leur statut, avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent, au mieux des intérêts de leurs clients, afin de leur proposer une offre de service adaptée et proportionnée à leurs besoins et à leurs objectifs ;

3° (…)

4° Se procurer auprès de leurs clients ou de leurs clients potentiels, avant de formuler un conseil mentionné au I de l’article L. 541-1, les informations nécessaires concernant leurs connaissances et leur expérience en matière d’investissement en rapport avec le type spécifique d’instrument financier, d’opération ou de service, leur situation financière et leurs objectifs d’investissement, de manière à pouvoir leur recommander les opérations, instruments financiers et services d’investissement adaptés à leur situation.

(…) ;

8° Veiller à ce que toutes les informations, y compris les communications à caractère promotionnel, adressées à leurs clients, notamment leurs clients potentiels, présentent un contenu exact, clair et non trompeur. »

Le CIF doit donc proposer des placements financiers adaptés à la situation personnelle de l’investisseur.

Les articles 325 et suivants du Règlement Général de l’AMF l’oblige à remettre un certain nombre de documents en amont de ses conseils :

  • Un document d’entrée en relation (DER)
  • Une lettre de mission
  • Une déclaration d’adéquation à chaque investissement proposé.

Le CIF est donc soumis à une obligation de conseil renforcée réaffirmée récemment par la Cour de cassation (Cour de cassation du 15 juin 2022, N°20-21.588) :

“Il résulte de ces textes que, avant de formuler un conseil, le conseil en investissement financier doit s’enquérir auprès de ses clients de leurs connaissances et de leur expérience en matière d’investissement, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs d’investissement, de manière à pouvoir leur recommander les opérations, instruments et services adaptés à leur situation. Lorsque les clients ne communiquent pas les informations requises, les conseillers en investissements financiers s’abstiennent de leur recommander les opérations, instruments et services en question. (…)

En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si Mme [B] justifiait avoir exécuté son obligation de conseil adapté à la situation personnelle de M. et Mme [E], la cour d’appel a privé sa décision de base légale.”

Dans ce même arrêt, sur un second moyen, la Cour juge :

« (…) il incombe à celui qui est tenu d’une obligation de conseil de rapporter la preuve de son exécution (…) »

Pour la Cour, il appartient donc au CIF en cas de problème de rapporter la preuve qu’il a exécuté correctement son obligation de conseil en ayant proposé des placements adaptés à la situation personnelle de l’investisseur. La Cour opère donc un renversement de la charge de la preuve à la charge du CIF et en faveur de l’investisseur.

Les choses ne sont pas irrémédiables ! Venez consulter votre avocat pour connaître vos droits !

Fraude et responsabilité bancaire

La responsabilité de votre banque dans le fonctionnement de votre compte : le cas des débits et retraits frauduleux!

Par Philippe Fournier le 26 novembre 2023

Peu à peu, les obligations de la banque dans la tenue des comptes bancaires sont précisées par la jurisprudence. La banque n’a pas à s’immiscer dans la manière dont vous gérez vos comptes mais elle doit vous alerter si des opérations lui semblent suspectes et anormales. En général, cela peut se traduire par un appel de votre conseiller pour vérifier que vous êtes bien à l’origine d’une opération sur votre compte.

La banque a ainsi un devoir de vigilance dans le cas où vous constatez des débits ou des retraits dont vous n’êtes pas l’origine et qui ont été effectués directement à partir de votre compte bancaire ou par l’utilisation frauduleuse par un tiers de votre carte bancaire.

Dans ces hypothèses, vous devez faire opposition immédiatement et porter plainte!

En cas d’utilisation frauduleuse par un tiers de votre carte bancaire, la banque a malgré tout un devoir de vigilance (par exemple, si les sommes débitées ont été effectuées dans différents pays étrangers). Si tel est le cas, la banque peut être susceptible de devoir vous rembourser les sommes litigieuses au titre du manquement à son devoir de vigilance.

Ce devoir persiste même en cas de vol du code confidentiel de votre carte bancaire sauf si vous avez été négligent dans la conservation de celui-ci en le communiquant à votre entourage par exemple. Cependant, la banque ne peut s’exonérer de sa responsabilité au titre de remboursement des sommes frauduleusement débitées qu’en rapportant la preuve de votre négligence caractérisée.

“en cas de perte ou vol d’une carte bancaire, il appartient à l’émetteur de la carte [la banque] qui se prévaut d’une faute lourde de son titulaire [le client], au sens de l’article L. 132-3 du code monétaire et financier, d’en rapporter la preuve ; que la circonstance que la carte ait été utilisée par un tiers avec composition du code confidentiel est, à elle seule, insusceptible de constituer la preuve d’une telle faute ;” Cour de cassation, Chambre commerciale du 2 octobre 2007, 05-19.899, Publié au bulletin.

La banque a également un devoir de vigilance en cas de d’anomalies apparentes et matérielles dans le fonctionnement de votre compte bancaire : il s’agit là des anomalies facilement détectables par toute banque diligente. A titre d’exemple, la banque doit naturellement vérifier qu’une fausse signature n’a pas été apposée sur un chèque vous appartenant ou que celui-ci n’a pas été falsifié de manière visible.

Enfin, la banque supporte un devoir de vigilance en cas d’anomalies dites “intellectuelles”. En effet, elle doit vous alerter en cas de virements suspects.

Dans une affaire récente, la Cour de cassation a confirmé la responsabilité de la banque au titre de son devoir de vigilance dans cette hypothèse. En l’occurrence, un client avait donné procuration à un membre de sa famille qui, sur une période d’une année, avait effectué de nombreux virements parfois rapprochés sur son compte personnel et portant sur des sommes élevées. Les juges considèrent que ces circonstances auraient dû attirer l’attention de la banque.

“L’arrêt retient que le fonctionnement des comptes d'[R] [L] présentait, entre le 3 novembre 2007 et le 14 octobre 2008, des opérations très nombreuses sans justifications apparentes au regard d’un fonctionnement normal, notamment des mouvements de fonds rapprochés et portant sur des sommes élevées réalisés par des virements internes depuis le compte de dépôt d'[R] [L] vers le compte de dépôt de son fils, ce qui aurait dû attirer l’attention de la banque. Il ajoute que le compte de dépôt d'[R] [L], initialement domicilié en Algérie, où il vivait, a été domicilié le 21 novembre 2007 à l’agence de la [banque] de Roubaix, ce qui aurait dû accroître la méfiance de la banque face aux anomalies apparentes et l’amener à s’interroger sur les risques de détournement, par M. [B] [L], des fonds de son mandant.

(…) De ces constatations et appréciations, la cour d’appel (…) a pu déduire que la banque avait commis une faute en n’avertissant pas [R] [L] des opérations réalisées par son fils, M. [B] [L], quand bien même celui-ci était son mandataire.” Cass Com, 5 avril 2023, N°21-22-300,

La banque est donc condamnée à rembourser les sommes litigieuses.
Dès lors, soyez vigilants et réactifs en cas d’anomalies sur votre compte bancaire et consultez votre avocat.

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