Droit des affaires

Relations Fournisseurs – Distributeurs: la “marge d’erreur suffisante” de la logistique qui peut coûter chère!

Relations Fournisseurs - Distributeurs: la "marge d'erreur suffisante" de la logistique qui peut coûter chère!

Par Philippe Fournier, le 02 mai 2024

Le premier alinéa de l’article L441-17 du Code de commerce dispose:

 

“I.-Le contrat peut prévoir la fixation de pénalités infligées au fournisseur en cas d’inexécution d’engagements contractuels. Il prévoit une marge d’erreur suffisante au regard du volume de livraisons prévues par le contrat. Un délai suffisant doit être respecté pour informer l’autre partie en cas d’aléa.”

 

Le Groupement d’achat Edouard Leclerc a saisi le Conseil Constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité début 2024 concernant des pénalités logistiques pour lesquelles l’autorité de contrôle de ces pratiques lui avait fait injonction sous astreinte en 2022 de corriger ces pratiques. Après avoir modifié ses contrats pour tenter de se conformer à cette injonction, l’administration n’était toujours pas satisfaite.

 

La question posée au Conseil était de savoir si l’article L441-17 du Code de commerce et, particulièrement la notion de “marge d’erreur suffisante au regard du volume de livraisons”, issue de la Loi n° 2021-1357 du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs (Egalim 2), était conforme à la Constitution de notre pays.

 

La question était légitime puisque, selon l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ».

 

Le Conseil a déjà jugé que ce principe constitutionnel s’appliquait à toute sanction “ayant le caractère d’une punition”. En l’occurrence, la méconnaissance des dispositions de l’article L441-17 du Code de commerce est sanctionnée par une lourde amende civile.

 

Rappelons que, conformément à l’article L442-4 du Code de commerce, le Ministre de l’Économie peut demander le prononcé d’une amende civile dont le maximum est de 5 millions d’euro ou de 5% du chiffre d’affaires  hors taxes réalisé en France par l’auteur des pratiques lors du dernier exercice clos.

 

Le Conseil Constitutionnel a, dans sa décision n° 2024-1087 QPC du 30 avril 2024, confirmé la conformité à la Constitution de cette disposition obscure tant pour le distributeur que pour le fournisseur dans son considérant N°8:

 

“ Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que le caractère suffisant de la marge d’erreur doit s’apprécier au cas par cas au regard du volume de livraisons prévues par le contrat. Dès lors, la notion de « marge d’erreur suffisante » ne présente pas de caractère imprécis ou équivoque.”

 

Circulez! il n’y a rien à voir…

 

Il reviendra donc au juge administratif d’apprécier le caractère suffisant de cette marge d’erreur prévue dans un contrat commercial.

 

La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes a tenté d’indiquer un peu tardivement par rapport à l’injonction administrative contestée comment interpréter la notion de “marge d’erreur suffisante” au travers de Lignes Directrices en matière de pénalités logistiques publiées le 3 novembre 2023:

 

“La marge d’erreur doit être déterminée entre les parties au contrat au cas par cas, au regard des caractéristiques des produits concernés, des modalités d’approvisionnement, des caractéristiques de l’entreprise qui fournit le distributeur et des volumes de livraison prévus au contrat ou, à défaut de volumes de livraison prévus au contrat, au regard des volumes effectivement livrés (1).

Par ailleurs, la marge d’erreur doit également s’apprécier à la lumière d’éventuels retards du distributeur dans le cadre des déchargements des livraisons.  La marge d’erreur doit être appréciée sur une périodicité supérieure ou égale à un mois, excepté pour les produits caractérisés par une saisonnalité marquée.  En tout état de cause, les taux de service proches de 100% sont en général considérés comme abusifs et non conformes à la loi du 30 mars 2023 précitée, y compris pour les produits faisant l’objet d’une opération promotionnelle. Le taux de service fait l’objet d’une appréciation au cas par cas, notamment au regard des caractéristiques rappelées ci-dessus. La non-atteinte du taux de service ne dispense évidemment pas le distributeur de prouver, pour chaque manquement de nature à justifier l’application d’une pénalité, sa réalité, son imputabilité au fournisseur et le préjudice qui en est résulté. 

  1. Pour rappel, les contrats portant sur des produits de grande consommation, les contrats portant sur des produits vendus sous marque de distributeur, les contrats portant sur des produits alimentaires doivent préciser le volume prévisionnel.”

 

Comprenne qui pourra! Distributeurs et Fournisseurs restent sur leur faim…

 

Rappelons que l’encadrement des pénalités logistiques est un débat qui remonte à des décennies.

 

Depuis le 1er avril 2023, la Loi n° 2023-221 du 30 mars 2023 tendant à renforcer l’équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs (Egalim 3), prévoit que les pénalités doivent non seulement être proportionnées au préjudice subi mais aussi ne pas dépasser “un plafond équivalent à 2%” de la valeur des produits commandés relevant de la catégorie de produits au sein de laquelle l’inexécution d’engagements contractuels a été constatée” (alinéa 2 de l’article L441-7).

 

Aucune pénalité ne peut être infligée pour l’inexécution d’engagements contractuels survenue plus d’un an auparavant (alinéa 3).

 

Il est interdit de procéder au refus ou au retour de marchandises, sauf en cas de non-conformité de celles-ci ou de non-respect de la date de livraison (alinéa 4).

 

Il est interdit de déduire d’office du montant de la facture établie par le fournisseur les pénalités ou rabais correspondant au non-respect d’un engagement contractuel (alinéa 6).

N’hésitez pas à nous consulter en cas de difficultés! 

Franchisés: vous avez l’obligation de vous renseigner avant de vous signer!

Franchisés: le Franchiseur a l’obligation de vous donner une information claire et non trompeuse mais vous avez l’obligation de vous renseigner avant de vous engager!

Par Philippe Fournier, le 27 mars 2024

 

La Loi  (article L330-3 du Code de Commerce) prescrit au franchiseur de communiquer au franchisé un document d’information précontractuelle (DIP). Ce document est communiqué au moins 20 jours avant la signature du contrat. Ce délai est un minimum! Prenez votre temps pour bien étudier ces documents souvent volumineux même si le franchiseur vous presse. Un DIP bien préparé peut faire plusieurs centaines de pages.

 

Si le projet de franchise nécessite la signature d’un contrat de réservation de zone avec le versement d’une somme d’argent, le Code de commerce exige que le DIP soit communiqué 20 jours avant le versement de la somme.

 

Le contenu du DIP est précisé par l’article R330-1 du Code de commerce.

 

Le franchiseur doit délivrer une information non trompeuse et complète. Dans le cas contraire, il peut être condamné à des dommages et intérêts. Le contrat de franchise peut être annulé pour erreur ou dol.

 

Si le franchiseur supporte des obligations strictes, le franchisé a l’obligation de se renseigner!

 

La Cour de cassation l’a rappelé par le passé (Cass. com., 7 oct. 2014, no 13-23.119): 

 

“qu’ayant constaté que [la franchisé] avait établi le prévisionnel et retenu qu’elle devait, pour apprécier la rentabilité du réseau, se renseigner notamment auprès d’autres affiliés et franchisés dont elle avait les coordonnées, la cour d’appel, qui n’a pas imposé à un profane une obligation de vérification des éléments communiqués par un professionnel mais a fait ressortir, dans le cadre d’une relation d’affaires entre professionnels, un manque de diligence, a, sans être tenue de procéder à une recherche que ces constatations et appréciations rendaient inopérantes, légalement justifié sa décision;”

 

Cette obligation de renseignement est d’autant plus appréciée si le franchisé est un professionnel averti avec une expérience commerciale.

 

Ce principe est rappelé dans un arrêt récent de la Cour de Cassation du 6 septembre 2023 (Cour de cassation, Chambre commerciale, N°21-22.493).

 

Dans cette affaire, un franchisé qui avait de mauvais résultats tentait de faire annuler le contrat de franchise. Cependant, les juges du fond avaient constaté que le franchisé avait fait réaliser une étude prévisionnelle par un cabinet indépendant qui avait identifié un point dur, à savoir une concurrence très vive sur le secteur. La Cour de cassation indique:

 

“[Le Franchisé], qui bénéficiait d’une expérience en matière commerciale, était informé de l’unique faiblesse du projet, ainsi que de ce que les projections de résultat conduisaient à l’hypothèse d’une viabilité de celui-ci, et que c’est en parfaite connaissance de cause qu’il a contracté, de sorte que [le Franchisé et sa société] ne démontrent pas avoir été victime d’une erreur ayant vicié leur consentement, ni même que si celle-ci avait été avérée, elle aurait été déterminante de leur consentement;”

 

Entourez-vous des bons conseils avant de signer!

 

S’il s’agit d’une création de point de vente, au démarrage, une fois l’activité et le franchiseur choisi, il faut choisir et créer la structure juridique la mieux appropriée qui va porter l’activité (SAS, SARL, …), puis monter son financement, réaliser son étude de marché et son business plan.

 

Parallèlement à tout cela, de nombreux entretiens avec le franchiseur vont avoir lieu. Si franchiseur et franchisé ont des intérêts convergents dans la réussite du projet, il faut rester vigilants et tout vérifier scrupuleusement.

 

Le franchisé doit s’entourer de ses propres conseils qui vont l’accompagner dans les différentes afin d’éviter les écueils. Bien souvent, le franchisé ne connaît pas d’avocats spécialisés ou d’experts comptables. Il ne faut pas se satisfaire des noms préconisés par le franchiseur. Chacun ses intérêts!

 

Clientèle du franchisé et Contrat de franchise

Mais à qui appartient la Clientèle dans un contrat de Franchise?
au Franchiseur? ou au Franchisé?
Vérifiez la rédaction de vos contrats de Franchise!

Par Philippe Fournier le 04 mars 2024

Longtemps, la jurisprudence déniait l’existence d’une clientèle propre au franchisé. En effet, le bénéfice du statut des baux commerciaux implique l’existence d’un fonds de commerce exploité dans les locaux loués et donc d’une clientèle attachée à ce fonds. 

Or, dans le contrat de franchise, une partie de cette clientèle est attachée à l’enseigne, propriété du franchiseur.

La jurisprudence demandait en 1996 au franchisé d’apporter:

“(…) la preuve de ce qu’il a une clientèle liée à son activité personnelle indépendamment de son attrait en raison de la marque du franchiseur ou du concédant, ou bien, qu’il démontre que l’élément du fonds qu’il apporte, le droit au bail, attire la clientèle de manière telle qu’il prévaut sur la marque“ (Cour d’appel Paris, 6 février 1996, N°94/17.275)

En 2002, la Cour de cassation a reconnu l’existence d’une clientèle propre au franchisé:

“si une clientèle est au plan national attachée à la notoriété de la marque du franchiseur, la clientèle locale n’existe que par le fait des moyens mis en œuvre par le franchisé, parmi lesquels les éléments corporels de son fonds de commerce, matériel et stock, et l’élément incorporel que constitue le bail, que cette clientèle fait elle-même partie du fonds de commerce du franchisé puisque, même si celui-ci n’est pas le propriétaire de la marque et de l’enseigne mises à sa disposition pendant l’exécution du contrat de franchise, elle est créée par son activité, avec des moyens que, contractant à titre personnel avec ses fournisseurs ou prêteurs de deniers, il met en œuvre à ses risques et périls” (Cour de cassation, 3ème Chambre civile, 27 mars 2002, N°00-20.732)

En conséquence, le franchisé peut bénéficier du statut des baux commerciaux puisqu’il a une clientèle propre. Cette question est tranchée.

La question se pose donc de savoir à qui appartient cette clientèle en fin de contrat.

C’est l’intérêt d’une décision récente de la Cour de cassation (Cour de cassation, Chambre commerciale, 27 septembre 2023, N°22-19.436). Dans cette affaire, l’enseigne de prêt à porter Jules avait informé ses franchisés, à la suite d’un plan de sauvegarde de l’emploi, de sa décision de mettre fin à son modèle de distribution en franchise et d’adopter un système de commission-affiliation. 

Le contrat liant les parties prévoyait que le franchisé devait constituer son fichier-client et que le franchiseur assurait la gestion active dudit fichier grâce à un droit d’usage et de jouissance concédé par le franchisé.

Le franchisé conservait ainsi la pleine propriété du fichier-client et assumait les coûts des opérations effectuées par le franchiseur pendant l’exécution du contrat.

Aucune clause ne permettait au franchiseur d’exploiter ce fichier appartenant au franchisé à la fin du contrat.

La Cour de cassation donne raison à la Cour d’appel d’avoir fait interdiction au franchiseur, sous astreinte, d’utiliser les fichiers-clients appartenant aux franchisés et toutes données les constituant, à compter de la date de fin des contrats de franchise.

Cet arrêt apporte un éclairage particulier sur les dispositions du contrat de franchise sur la clientèle. Les décisions en la matière sont peu nombreuses.

Dans l’arrêt commenté, les choses étaient plutôt claires puisque l’utilisation du fichier-client par le franchiseur pendant l’exécution du contrat était contractuellement encadrée avec un droit d’usage et de jouissance.

Bon nombre de contrats de franchise n’ont toutefois pas ce degré de précision! Leur lecture laisse non tranchée le sort de la clientèle en cours de contrat ou à l’issue du contrat. Certains franchiseurs développent des programmes de fidélité nationaux ou toutes sortes de services informatiques (par exemple, “click and collect”, jeux concours) qu’ils ne manquent pas de refacturer à leurs franchisés sous diverses manières. Les franchisés n’ont parfois plus la maîtrise de la clientèle qui est peu à peu captée par le franchiseur.

Le franchisé est un entrepreneur indépendant qui exploite son propre fonds de commerce. Grâce à ses efforts et à ses risques et périls, il participe au développement de la clientèle de l’enseigne. A la fin du contrat de franchise, outre les effets liés aux clauses de non concurrence et/ou de non réaffiliation, le sort réservé à la clientèle est primordial que l’on soit dans une activité de prêt à porter, de restauration, ou autres… car celle-ci garantit l’avenir.

Retards de paiement, non-respect des indemnités forfaitaires…

Retards de paiement, non-respect des indemnités forfaitaires...​

Par Philippe Fournier le 3 décembre 2023

Les amendes prononcées par les autorités de contrôle augmentent sur 2023. Au premier semestre, ce sont 224 procédures d’amendes administratives qui ont été menées à terme ce qui représente plus de 30 millions d’euro.

Le 9 novembre dernier, Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des Petites et moyennes entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, lors des Assises sur les délais de paiement a déclaré:

“Notre objectif est de continuer à travailler ensemble pour conserver les équilibres et faire respecter les normes ».

Toutefois, malgré ces bonnes intentions politiques et les sanctions exemplaires de grands groupes, notre cabinet constate trop de situations concernant des petites entreprises dont les impayés mettent quotidiennement en péril leurs activités.

Des impayés, ce sont des conséquences à la chaîne sur les fournisseurs, le niveau de service, les salariés.

Au-delà de l’action en recouvrement, vos contrats et vos factures sont-ils efficaces?

Ne restez pas sans rien faire! Venez nous consulter! Nous trouverons avec vous des solutions adaptées!

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